Coucou Moi d’Avant,
Tu as 16 ans et toute la vie devant toi. Enfin, c’est ce que tu crois, parce que le temps passe très vite. Ne rigole pas, tu verras quand t’auras 36 ans et que tu liras cette lettre.
Sans vouloir jouer les rabat-joie, un matin tu vas te réveiller avec la désagréable impression d’être paumée et d’avoir pris la mauvaise voie… et même de t’être vautrée en beauté. D’un coup, tu te sentiras piégée… et ce sera la panique… N’imagines pas que tu géreras comme une cheffe… T’auras beau avoir 36 ans, tu ne seras pas beaucoup plus armée contre la complexité du monde qui t’entoure qu’aujourd’hui.
Le cerveau embrumé par la routine, tu tenteras de remettre les choses en ordre là-dedans et là, tu t’en voudras… tu t’en voudras d’avoir été aussi peu ambitieuse, d’avoir été si naïve et bête comme une prune, de t’être dit « on verra bien »…Et dans 20 ans, tu récolteras le fruit de ton « labeur » et de tes « on verra bien »… Dans 20 ans, tu « verras »… bon, en fait, tu ne verras pas grand-chose à part du bazar.
Le fil d’Ariane que tu t’es obstinée à suivre à l’aveugle risque bien de finir emmêlé et tu pourrais bien te retrouver face à une impasse quand tu viendras à te demander quelle direction tu dois prendre. Enfin, il faudrait d’abord que tu arrives à dire s’il y en a une qui vaut la peine d’être suivie !
Tu me trouves dure sans doute mais aujourd’hui, je tente de réparer les pots que tu as cassé et franchement, j’ai l’impression que tu n’as fait attention à rien. Comme toujours, tu t’es laissée balader par le quotidien, imaginant bêtement qu’un tapis duveteux se déroulerait tous seul sous tes pas pour te guider vers des choses sympas. Sauf qu’en fait, non. On n’a rien sans rien : le « destin » ne fait pas tout comme tu te l’imagines. Dans 20 ans, tu vas trimer et même (ENFIN) réaliser ce que je veux faire de ta vie. Mais toi, t’auras joué les Belles aux Bois Dormant en t’imaginant que tout allait s’organiser autour de toi sans avoir à lever le petit doigt, comme par magie !
Quelque part, je t’en veux d’avoir été aussi peu responsable de toi-même. T’occuper des autres, tu sais faire mais t’es vraiment nulle avec toi-même. Tu n’as jamais essayé de savoir ce que TOI tu voulais VRAIMENT… Tu t’es toujours demandée, cependant, ce que LES AUTRES voulaient, te pliant à leurs envies.
Aujourd’hui, 20 ans plus tard, à cause de toi, je me sens piégée, bloquée… et j’ai peur…
Moi d’Avant, je sais que mes mots ne changeront rien à ta destinée, à notre destinée, mais j’avais besoin de te les écrire pour, peut-être, extraire cette colère qui m’habite.
Moi d’Aujourd’hui